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pourquoi pas lui après tout

jeudi 30 avril 2020 - Ce qui nous empêche

Jeudi 23 avril 2020
insomnies plutôt - il y avait au programme (c’est vrai que j’ai vu ça sur la une de cette saloperie de site d’orange par lequel je passe pour les mails) des étoiles filantes : bernique rien – regardé à 3, 4, 5 du – rien – des milliards et des milliards d’étoiles tout court – un Fred Vargas en lecture – JJR j’ai arrêté, fait braire – les trente sept mers du globe continue doucement – une affaire de géographie – j’ai dû passer une étape, je n’ai plus de souvenirs sinon de colère – sans doute à cause de la musique – retrouvé un album entier de Neil Young – seize titres, ça fait passer le temps, sans doute une espèce de best of – le Cowgirl in the sand ou le Down by the river font toujours du bien – la mélancolie de On the beach – je jouais Ambulance blues je me souviens, Concorde, Palais Royal, La Motte-Piquet Grenelle ma préférée je crois - ("je crois qu’elle est de Prévert et Cosma") - ah la belle vie... - c’était Sacha Distel qui la chantait, celle-là

la disproportion entre le travail qu’il faut fournir pour écrire un livre et le temps qu’il faut pour le lire m’a toujours – de tous temps – outré – de tous temps veut dire à partir du moment où j’ai décidé d’écrire – vingt cinq ans – voilà plus de quarante ans si je compte bien – je me suis dispersé, c’est vrai – c’est cette différence entre les emplois, les statuts, les revenus, les déclarations, les dispositifs qui m’outre aussi – ne se souvenir que des belles choses : le visage de la charcutière dans son camion, lunettes dans les bordeaux, regard dans les bleus « c’est surtout le stress qui me fatigue, je suis fatiguée on ne sait pas pour l’avenir » non, on ne sait pas – pour l’avenir non – une lettre qui me vient de mon grand-père qui ne m’est pas adressée mais qui mentionne mon prénom (image du jour) est arrivée aujourd’hui (elle est datée de Genève le deux septembre soixante quatre) (la deuxième fois où nous allions en vacances sur les bords du lac, l’herbe qui en borde la plage, le jet d’eau et les cygnes là,au bord du lac – on ne leur jetait pas de pain, non – vaguement pourtant le souvenir de TNPPI – les souvenirs, la lampe en cuivre, la douane volante à Lons-le-Saulnier – et puis la marchande de légumes, « les trois, deux euros – oui, bon trois je les prends ? (elle me sert un kilo de pomme de terre variété amandine – j’en prends un puis un autre et le laisse « ah non si vous le touchez vous le prenez… - je le prends, il est dur comme du bois – « en tout ça fera quatre euros », je n’ai que trois quatre vingt dix « ne vous inquiétez c’est pas grave - je vous les donne jeudi prochain, je ne suis pas inquiet – son regard un peu incrédule, elle sourit « ça ne fait rien » elle secoue la tête sourit – gentille -

ce n’était pas un homme de grande taille – un mètre soixante quinze sans doute – brun aux oreilles décollées, il portait des lunettes – myope – mangeait sans sel - urée – souffrait de coliques néphrétiques et fumait des gitanes – il appelait sa femme Jacquot (comme Youssouf appelait la sienne Max) et il n’est pas surprenant que les deux apparaissent en même temps : cette affaire de père, de patriarcat sans doute, de protection aussi – le voyage Karachi-Londres par le Cap à la fin des années quarante – celui en sens inverse mais en auto de la fin des années cinquante – la calandre de MG qu’il y avait dans le garage et lui qui écoutait la radio, assis dans sa Honda grise sous l’auvent de Cambo – quand j’y repense, je me dis qu’il n’est plus jamais retourné en Tunisie, contrairement à elle qui y allait souvent – sa manière de laisser derrière soi des choses en pans entiers de sa vie – son sourire et sa joie de vivre – les livres qu’il aimait, le travail qu’il réalisait sur la table de la salle à manger, sa règle à calcul comme son critérium, sa carrière de petit employé à cadre sup service achat France, la méthode Assimil pour apprendre l’anglais et son accent américain – parfois je me demande, pourquoi pas lui après tout ? -