Littérature Radio Numérique

accueil

"restez avec moi"

jeudi 2 avril 2020 - Ce qui nous empêche

la fille au téléphone de sfr – elle était au Maroc j’étais sur le parking du supermarché – des vieilles gens beaucoup, caddy gants parfois masques – une paire de charentaises dans les bleus trois paires de chaussettes noires - j’avais avec moi mon téléphone et « Grandes fortunes » (les Pinçon-Charlot, la Découverte 1998) – « restez-avec moi » disait-elle – « alors le forfait à 17 euros sms illimités mms illimités téléphone illimité et cinq gigas d’internet c’est bien ça ? « yes » - elle énonce mon pedigree, mon adresse, ma date de naissance vous êtes bien né dans le 99 ? oui, fis-je - c’est la Tunisie, et vous, vous êtes où ? « Au Maroc » elle rit « vous parlez arabe ? » ah mais non, quel dommage ce manque – ma mère et la sienne, dans la Dauphine rouge en plein soleil, juste avant l’été soixante qui boivent le café vers une heure – les mots qu’elles s’échangent en arabe toujours je ne connais que quelques uns, à peine (les gros,d’abord, et puis d’autres) : j’ai tout oublié ou presque – au bout du fil (?) elle rit « ça ne fait rien » « restez avec moi » - elle cherche, elle va voir son supérieur – tout va bien ? oui, il y a dans la boite où je travaille de loin en loin (surtout ces temps-ci si tu veux) un happyness manager – ce monde était pathétique et il continue de bouger, quelle erreur – non fait beau, on va voir, j’ai fini le Modiano du bureau (une lettre au Nobel accepté – je me souviens de Jean-Paul Sartre et Pillu m’y fait retourner), lu le rapport au premier ministre pour un « musée mémorial des sociétés face au terrorisme » (mission de préfiguration, dirigée par Henri Rousso) (avec cette direction-là, ça me va, je continue) (« un passé qui ne passe pas » et Marie-Claire Lavabre) – on continuera demain – la Commune s’embourbe dans ces jours, mais le livre n’en est pas un d’histoire réellement mais d’idéologie - ça ne fait rien, je continue – il y a aussi le « Profession menteur » de François Pillu dit Périer (pré au clercs, 1990) pour midinet.te (dont je suis) (ça ne se dit pas) -

au marché, non, il n’y avait pas de marché

dès le début de la première semaine, dès le lundi avant même que la réclusion n’ait été décrétée par sa majesté, un courriel (on dit mail, c’est plus adapté) de la direction informait les subordonnés de la chance qu’il leur était donnée de pouvoir mettre en pratique une nouvelle espèce de travail – le télétravail cette merveille du monde moderne – c’était exaltant de découvrir ainsi la puissance de notre technique : pour tout dire, ça confinait à l’extase - et demandait donc (avec une certaine affectation de politesse) (et une vraie perversion) (dans la joie la bonne humeur la gaieté et la fierté ah oui, surtout la fierté laquelle était décrite en un certain nombre de points (obligatoires et réglementaires : sourires en ouvrant son ordinateur, rires en actionnant la connexion, politesses en parlant à son écran, caresses soyeuses à sa souris etc.) par ledit happyness manager) management qui demandait donc de prévenir les assurances mutuelles concernées (chacun la sienne, évidemment) de cet état de chose (le travail à domicile) afin de faire jouer la clause idoine – on aime à protéger ses ouailles, dans une certaine mesure, laquelle est indiquée dans les bons manuels de « management » - la direction savait y faire –