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Court traité du paysage

mardi 30 mai 2017

PAYS, PAYSANS, PAYSAGES

« Louis, comment dis-tu : il est beau ce paysage ? Il me regarde et je comprends que je lui pose un problème difficile. Après un long silence encore, il déclare enfin : « Es brave lo païs », on dit ». Je viens de comprendre : le mot paysage n’existe pas en occitan (il n’apparaît d’ailleurs dans la langue française qu’à la fin du XVIe siècle).
L’incompréhension de départ n’était pas seulement due à l’habituelle difficulté de langage, mais à l’incompréhension du concept même de paysage. Le paysage, pour lui, pour les gens, c’est le pays.  [1]
Es brave lo païs : réponse étonnante et, dans sa cohérence, très significative, puisque, par deux fois, en quatre mots – brave au lieu de beau et païs au lieu de paysage – elle élimine le point de vue esthétique. Le paysan de Cueco n’est nullement exceptionnel. Michel Conan signalait naguère, dans un colloque à Lyon, que, selon une enquête effectuée dans le Finistère, la notion même de paysage semble échapper aux paysans, qui, plus proches que quiconque du pays, seraient d’autant plus éloignés du paysage. [2]
(...) Cueco le dit fort bien : « Le paysage n’existe pas, il nous faut l’inventer ».

Alain Roger, Court traité du paysage, Gallimard, 1997


[1Henri CUECO, « Approches du concept de paysage », in La Théorie du paysage en France, 1995

[2Michel CONAN, Mort du paysage ?, 1982

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