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Les cartes postales

mardi 30 mai 2017

Elles étaient bien trop précieuses pour se contenter de les accrocher à un mur, de chambre, de placard dans la cuisine ou comme on fait désormais avec les petits aimants sur le réfrigérateur. Les bistrots s’en glorifient, les clients en vacances restent leurs clients, ils ont toujours le coin au-dessus de la caisse avec les cartes postales envoyées par leurs fidèles. Idem à l’usine ou au bureau – mais pas chez soi. On les stockait dans des cartons à chaussures : les chaussures ne sont pas une dépense mineure, le carton et le papier soie à l’intérieur font partie de la transaction – marchandise précieuse, autrefois, les cartons à chaussures. C’est dans le carton à chaussures que les lettres sont triées par années avec un élastique, les timbres précautionneusement décollés pour qui les collectionne. Si le texte prime, la carte postale est parmi les lettres, mais à côté, calées verticalement dans le carton à chaussures, il y a les autres : je peux affirmer, quitte à certaine naïveté, qu’on les regardait pour apprendre. Ce qu’elles nous montraient, nous ne l’avions pas vu. La carte de géographie devenait – lacunairement – un gigantesque puzzle à recouvrir. Nous connaissions Nice et les montagnes, l’Italie et la Tour Eiffel.

François Bon, Autobiographie des objets, éditions du Seuil, 2012

lu par Bernard

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