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L’inquiétude d’être au monde

mardi 30 mai 2017

Je pense au visage d’Anna Magnani dans un film de Pasolini. Nous sommes près de Rome dans des terrains vagues. La mère observe son garçon assis sur un manège. Pendant les quelques secondes où elle ne le voit pas, Ettore se lève. Il descend du manège en marche. Puis... Le manège tourne encore. Là où il était assis, il ne reste que l’effroyable vide de l’enfant disparu. Il s’est levé, il est parti, mais la mère n’en sait rien. A ce moment, les yeux de sa mère ! Son gamin a disparu, il lui a été volé. C’est ce qu’elle pense, ce que disent ses yeux. Elle se met à courir. Elle crie : Ettore ! Ettore ! Si proche de Terrore ! Terreur des instants minuscules, d’une mort inimaginable. La mère court après son propre effroi. Elle court après sa peur. Puis, au bout de quelques mètres, elle le voit. Ettore ne s’est pas envolé, pas encore. Il marche gentiment sur un chemin qui s’appelle : ennui. Les bras le long du corps. Les pieds à la traîne. Dégaine familière du gosse. La mère s’apaise. L’inquiétude la quitte, mais pour combien de temps ?

Camille de Toledo, L’Inquiétude d’être au monde, éditions Verdier, 2012

lu par Françoise

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