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Du haut de la corniche

mardi 18 juillet 2017

Une heure se passe, la fille se baigne à intervalles réguliers en bout de plate-forme : elle s’approche du bord, tâte l’eau et y descend, prudente – peu de fond, des oursins –, crawle sur vingt mètres et revient s’asseoir sur sa serviette bleue, les genoux sous le menton, c’est là que Mario l’attend, cheveux lustrés en arrière, acteur, clope au bec, il a traversé tout le plateau pour la rejoindre et maintenant il fait son cinéma. On t’a dit de te barrer, de pas revenir, tu comprends rien ? Il n’est pas agressif mais joue le garçon sage, responsable, enveloppant, le garçon de confiance. Il se mesure à elle devant les autres. Plus tard, assis à côté d’elle qui ruisselle, il demande direct, t’habites où ? La fille lui indique d’un coup de menton le virage tout proche et les villas blanches enfouies sous un front végétal – jasmins, lauriers-roses, bougainvilliers, eucalyptus, silence pour mieux écouter les cigales et palmier souverain ponctuant la terrasse. Et toi ? Mario opère mêmement pour désigner les tours et barres agglomérées qui dominent la ville, au nord, puis il revient poser ses yeux sur le feuillage du virage (…).

Maylis de Kerangal, Corniche Kennedy, 2008

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