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9 avril

samedi 11 avril 2020 - Ce qui nous empêche

Promenade de santé matinale, par un itinéraire plus long et donc hors-la-loi. La densité de population n’est pas la même qu’ailleurs, je me dis que ça va. On se dit toujours que ça va aller. Des lignes de désir forment un réseau dans un terrain vague revenu à l’état naturel depuis quelques années déjà, elles m’emportent de la route principale à travers des herbes hautes vers un escalier qui débouche sur une boulangerie inconnue et ouverte qui dispose tristement de quelques pains à farine blanche, puis sur un itinéraire que je connais. Au retour, derrière les grillages et les haies fleuries, les chiens habituels, je veux dire par habituels que je croise hors période de confinement, avant, n’aboient même plus. Surpris, stupéfaits, inquiets ? M’aboieront-ils encore après ? Une voiture de police me double lentement et ne s’arrête pas. Privilège blanc ? Plus loin, au sol, un masque froissé. Ailleurs on voit des gants. J’imagine un titre de faits divers : "L’enfant avait ramassé des gants et un masque dans la rue, pour donner à sa grand-mère et la protéger du virus. Elle meure 15 jours plus tard." Bien sûr, pas besoin d’imagination pour l’horreur qui se passe en ce moment, on n’a pas besoin de ça, mais j’y ai pensé, voilà. Et puis ça va aller, je me dis que ça va aller.

Pendant ce temps l’Eurogroupe prépare l’endettement des pays qui vont demander l’aide de l’omnipotente Union Européenne habituellement merveilleuse et soudain rechignerait à aider sans contrepartie ? Ne soyons pas étonné : parce que tout cet édifice repose sur la fabrication de dette qui pèse sur les peuples. Le Mécanisme Européen de Stabilité a été créé en 2012 suite afin d’éviter la spirale infernale de l’usure internationale façon FMI où un État contracte une dette, des obligations de réformes, et des intérêts, ce qui l’oblige à reprendre de la dette, etc. Reconnaissant que ça devenait un peu too much, trop visible, l’UE a eu cette idée de diminuer le poids des intérêts. Formidable, donc le MES réduit la gravité de cette arnaque aux États mais fabrique quand même de la dette et des obligations de "réformes" : cf. la Grèce et les réformes structurelles qu’elle a dû subir, en particulier les régimes de retraites, la hausse de TVA également. Pendant ce temps on commence à parler d’applications de traçage pour sortir sans croiser de malades, ou pour s’assurer que des malades ne sortent pas, pour protéger finalement, numériquement, mais jusqu’à quand ? Et après qu’on aura ça sur nos téléphones, il y aura quoi ?