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"Dis, la ville, c’est un village ?"
mercredi 9 janvier 2019, par
— Dis, la ville, c’est un village ?
— Non.
— Pourquoi ?
— Parce que dans la ville, y’a moins de ciel que dans les villages. Y’a tellement de bâtiments qu’on en voit même plus la couleur. Parce que dans la ville, y’a plein d’épiceries, y’a même des marchés qui s’auto-proclament “super”, et que dans le village, y’a qu’une seule épicerie, et chaque matin les habitants se retrouvent autour d’un trop petit nombre de baguettes, qu’il faut commander la veille. Parce que la ville, c’est pas un terrain propice aux commérages. Là-bas ils se cachent seulement dans certains immeubles, chez la concierge. Dans les villages, ils se gênent pas autant. Parce qu’en ville tu verras jamais le défilé des tracteurs dans les rues. Pour la fête paroissiale, ils sont mêmes décorés, et les villageois dansent dessus, tous habillés de leur costume fait-main par grand-mère. Parce que tous les enfants de la ville ne se connaissent pas. Parce que la route de la grande Laetitia n’aurait jamais croisé celles des petites Sarah et Lola, crois-moi, si elles étaient nées en ville. Parce qu’on y attend pas, l’été venu, impatient, les petits-enfants des voisins d’en face venus pour les vacances. Parce qu’il n’y a pas de rue Saint José, si étriquée que tu es obligé de jeter le mauvais sort sur toi-même, en passant sous l’échelle qui la traverse, une échelle oubliée de temps tout aussi oubliés. Parce qu’on y empile pas des feuilles, oranges, jaunes, brunes, pour sauter dedans ensuite, sans que tout le monde nous regarde bizarre. Parce qu’on y fait pas de batailles de poil à gratter sous les tilleuls à la sortie de l’école. Parce qu’en ville, ta luge viendra jamais s’écraser sur la rangée de sapins au bout de la colline. Parce qu’en ville on s’amuse moins et on s’ennuie plus. Parce que le village c’est mieux. Pour les enfants en tous cas. Pour toi petit.