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De chez soi

samedi 19 août 2017

Je demeure chez moi autant que je le peux, dans ma soupente, au huitième étage, où il fait très froid l’hiver, trop chaud l’été. Je suis revenu aux mansardes de mon enfance. Ma soupente ressemble par ses dimensions à une cellule, à une cabine de transatlantique, ou bien, quelquefois, à une dunette... Elle est meublée d’une armoire blanche, d’une table de sapin teinte au brou de noix, sur quoi j’écris, d’une chaise, d’un lit-divan où je dors, où je rêve les yeux ouverts, ou fermés, pendant que le réveil-matin grignote ce qui reste de la nuit. Les murs sont ocres.
D’ici, du huitième étage, de plus de quarante ans de hauteur, je prends tout mon passé en enfilade, sans avoir à me déranger. Je me vois tel une ombre vaguant dans un décor de carton. Pressé d’atteindre je ne sais quel but, j’ai couru, j’ai pris des chemins de traverse, je me suis égaré. Je me sens à présent tout rafalé et courbatu ; j’ai l’âme qui traîne la jambe.

Henri Calet, Le tout sur le tout, 1948

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