Les villes passagères

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La ville n’est pas village...

mercredi 9 janvier 2019, par Lea Lukowski

La ville n’est pas village

La ville n’est pas village, les habitants y sont différents. Oui, vraiment. Bonjour Madame, je voudrais une baguette s’il-vous-plaît. En ville , elle ne te répond pas en t’interrogeant pour savoir comment se porte ta grand-mère. Elle répond simplement : “Ca vous fera 1,10€ SVP”. D’ailleurs dans mon village, c’est 0,90€. Dans un village, tu ne peux pas sortir tranquillement, sans croiser le voisin, la grande-tante par alliance de ton beau frère ou ton ancienne nourrice qui t’accompagnait à l’école primaire. Et comme tu trouve ces discussions gênantes, tu passes par les petites ruelles ou bien tu change discrètement de trottoir. En ville, presque tout et tout le monde se fond dans la masse. Comme une grosse masse d’ombres, il y a beaucoup de monde. Les gens courent, partout, vite, ils sont pressés, ils vont loin, mais où vont-ils ? Il vaut mieux prendre son temps sagement : beaucoup de gens vont très vite nul part. Au village, le temps est plus lent. Véritablement comme si la temporalité était ralenti, comme si on avait mis la vitesse de l’espace temporel en x0,75. La mamie promène son chien, le papa son bébé, les mêmes poivrots sont toujours au seul et unique bar-tabac du coin, sur la place de l’église. Les adolescents qui traînaient dans le centre jour et nuit sont devenus des adultes paumés, qui rejoignent au compte-goutte, les mois passants, les poivrots du bar de la place de l’église. La ville n’est pas village, parce que tu peux te rendre au cinéma avec tes amis à pieds. Moi, je devais sortir prendre le bus. En retard. Traverser tout le village en courant. En retard. Le bus part. Loupé. Le prochain est dans 2h43. Ça va, c’est raisonnable. Puis le samedi, il faut s’organiser : il y en a 3 dans la journée. Le dimanche, joker : tu restes chez toi ou tu peux aller sonner chez tes vieilles connaissances de la rue d’à côté. Sauf que à force de traîner dans le même village ensemble depuis une éternité, vous ne pouvez plus vous supporter. Le jour où tu as ton permis de conduire : liberté. Tu prends même la voiture juste pour le plaisir de te déplacer : fini les galères de bus, fini d’être isolée dans ton village paumé, tu vas pouvoir aller boire un verre en ville avec tes amis pendant la semaine. Un coca s’il-vous-plaît, je prends le volant pour rentrer. Bah oui, il faut quand même y rentrer, tu ne peux toujours pas rentrer à pieds. La ville n’est pas village, parce qu’en face de chez moi, il y a un pré, juste à côté, un camp militaire abandonné depuis une vingtaine d’années, au fond c’est une impasse (le panneau l’indiquant à rongé de végétation, faites attention à ne pas le manquer), il y a une forêt. Oui oui, une vraie forêt. Avec des arbres et tout, vous avez ça en ville ? Puis au village, c’est la famille. Au sens figuré comme au sens littéral. Mon voisin de droite, c’est mon oncle. Et mon voisin de gauche, c’est aussi mon oncle. On habite le 17 et le 17Ter, et oui vous l’avez deviné : le courrier n’arrive JAMAIS dans la bonne boite aux lettres. La ville n’est pas village parce que tout est plus grand, plus rapide, plus vivant, plus accessible. Mais j’aime bien mon village quand même, avec les familles qui y sont depuis des générations, mon jardin et mon poulailler. La ville n’est pas village, je ne m’y suis jamais installée.

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