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Les 100 premières 36 secondes

vendredi 7 juillet 2017

En ce début juillet, les 36 secondes n’ont pas cent ans mais plus de cent titres. Cela vaudrait bien un article ai-je pensé il y a quelques semaines en demandant à qui le voulait de me parler de son écoute. J’ai reçu sept beaux témoignages, que je vais évoquer ci-dessous. Mais avant tout, 36 secondes ? De quoi s’agit-il au juste ?

Tout commence par la découverte d’une application, Bobbler, destinée à créer un réseau social et sonore : il suffit de cliquer deux ou trois fois pour enregistrer ce qu’on veut, prendre une photo et envoyer cette "pastille" au monde entier. Un Instagram sonore, en quelque sorte. Souvent, on y entend de la musique, on devine une ambiance de bar, un enfant qui joue dans son bain, le tout en 36 secondes maximum. Je décide de me fixer un objectif : lire ce qui me plaît et agrémenter le fichier son d’une photo du livre prise in situ. Ça dure quelques temps, puis Bobbler ferme, se tourne vers la vidéo.

Que faire ? Avec L’aiR Nu, on se dit que ce serait dommage d’en rester là. Nous aimerions conserver le côté bricolo, simple, rapide. Nous décidons que les 36 secondes, devenues rubrique, seront enregistrées et photographiées à L’IPad, dans Evernote, ce qui n’est pas le cas pour le reste du site. Le tout demande un peu plus de travail qu’avant, il faut ajouter le podcast, et depuis peu Soundcloud (celui du collectif ou le mien) pour certaines lectures, mais ça reste léger.

Au début, les enregistrements de l’Ipad sont envoyés tels quels, le son n’est pas très fort. Puis, quand même, au bout d’un moment, on l’augmente. Tant qu’à faire d’y passer plus de temps, autant que l’écoute soit meilleure. Ce qui compte, c’est de tenir le rythme, de conserver chaque semaine la curiosité, le plaisir des commencements.

Surtout, ce que j’aime, c’est ce petit vertige qui précède le choix, ce plaisir de l’apparition des lectures deux par deux, du lien ténu entre les textes. Parfois je trouve tout de suite, j’ouvre le livre, j’y suis. Parfois non. Mais il y a tout de même quelque chose d’aérien, et en tout cas d’heureux, à alimenter la rubrique chaque semaine.
Pourquoi le vendredi, au fait ? Traditionnellement, sur Twitter, le vendredi est jour de #VendrediLecture. Nous avons eu envie de participer, de mêler nos voix à celles des autres.

(ci-dessus, pour contredire ce que je viens de dire sur un choix de livres qui ne serait que personnel, même si c’est en partie vraie, en voici un proposé et pris en photo par Joachim Séné)

Et donc, vous, qu’en dites-vous, de ce moment-là ? Voici ce que j’en sais, désormais :

Pour Claude Enuset, metteur en scène et comédien qui habite en Belgique, anime également des ateliers d’écriture : "Ces 36 secondes, je les écoute souvent le vendredi dès que je vois apparaître le post Facebook. Plaisir de réecouter souvent une deuxième fois, pas nécessairement les deux, juste le texte qui a le plus accroché. Récemment, Le sel de la vie de Françoise Héritier, que je me suis procuré dans la foulée est venu égayer des jours sombres. Toujours la voix m’évoque les voix off de la Nouvelle Vague."

De Nantes, la plasticienne et autrice Delphine Bretesché nous répond ceci :
"Je reçois les 36 secondes via Facebook que je consulte depuis mon portable. C’est la joie de les retrouver au détour d’une page, l’envie d’aller les chercher quand on n’en a plus et la curiosité de s’en laisser conter... Un beau souvenir avec les voix de Pascal Jourdana et Fanny Pomarède ou encore Claude de Peretti à Marseille, qui prennent la parole et nous lisent Laurence Vilaine...

WITH LOVE"

Parmi les auditrices, Dominique Savelli (qui est ma mère, comme tout lecteur de Décor Daguerre le sait désormais !), dit, de son côté :
"Mon grand plaisir dans tes lectures fut bien sûr entre autres l’extrait du livre d’Anthologie du General Instin : première scène familiale.
Bien rigolé. Le ton est jubilant.
Les 36 secondes c’est en général le vendredi matin avant de me précipiter sur l’indispensable travail ménager et peu valorisant de la journée."

Le poète américain Guy Bennett (qui m’a dit par ailleurs expérimenter deux trois petites choses à partir des fichiers son, ce qui m’intrigue) écrit :
"Amateur du court, du fragment, de la miniature, j’adore ces moments d’écoute que je savoure tantôt un à un, tantôt en groupes (thématiques ou autres). Dans leur ensemble ils forment une espèce de constellation ou mosaïque littéraire dont composition ne finit pas de se complexifier. Ce qui m’enchante. "
(ça fait plaisir, n’est-ce pas ?)

Philippe Girault-Daussan précise :
"Je ne sais plus comment j’ai découvert le site, mais cela avait un lien avec Henri Calet, qui fait l’objet d’une lecture. Et puis j’en ai écouté plein. Et il y a même Brigitte Celerier, c’est dire l’éclectisme et la diversité, mais toujours la qualité. Chaque image est comme un timbre dans un album, on passe vite sur certains, et on s’arrête longuement sur d’autres."

Je sais que ce jour-là, Solange Vissac, à Saint-Etienne, est également à l’écoute :

"Chaque vendredi, j’attends vos quelques minutes de lecture : l’allumette se craque, attise les brindilles offertes et j’écoute - souvent frustrée lorsque cela s’arrête...! Mais c’est cela qui est important : laisser l’auditeur sur une terre d’attente à découvrir (ou redécouvrir) à partir de ce tout petit extrait choisi par quelqu’un que je ne connais que par cette lecture. Au fil des écoutes, cela crée une sorte de lien. Alors je partage à mon tour pour faire durer la flamme."

Enfin, Isabelle Delatouche, qui se définit elle-même comme "lectrice, amateur d’OLOÉ, bricoleuse d’installations numériques littéraires, community manager - entre autres servitudes - des Rencontres de Chaminadour, etc.", m’envoie ce texte :
"Je fais partie de ceux dont les oreilles traînent souvent du côté de L’airNu.
Je m’y sens comme la première fois que l’on va chez quelqu’un, l’œil trace où sont les livres, s’arrange à un moment ou à un autre pour aller regarder les rayons.
Repérer les titres connus, qui rassurent sur les affinités, les connus mais pas lus que l’on a envie de tirer de leur place pour les feuilleter, les non connus que, si les autres ont intrigués, on essaie de retenir, pour exploration à venir. Cette impression d’être chez quelqu’un, invitée, renforcée par les portraits des livres, les bouts d’objets, de meubles, de vues, d’objets, pièces de puzzle qui racontent le lieu où tu lis (bon, voilà que je tutoie, c’est comme ça, familiarité d’emblée). L’écho dans la voix contribue, on sent l’espace de la pièce."

Elle poursuit :

"J’aime que les livres soient récents, anciens, les livres d’une bibliothèque personnelle. J’aime qu’il y soit souvent question de jardins, de nature, de paysage (je les repère parce que c’est aussi l’un de mes fils conducteurs, si bien que ces lectures-là viennent enrichir mon propre corpus). J’aime qu’ils fassent parfois écho à l’actualité. En fait, ces choix et ces photos sont une sorte de journal dérivé, généreux et intime à la fois. Et puis j’écoute. J’y vais pour en écouter un et puis un autre, et puis celui-ci aussi, et puis encore un et après j’arrête... Voix fraîche, presque juvénile, précise et délicate qui nous déplie les phrases comme on déballe le papier de soie protecteur, prolongeant ce moment précis de la révélation qui donne sa valeur au cadeau.
Voilà, j’essaie de dire ce que ces 36 secondes (la plupart du temps heureusement dépassées) me font, à moi, lectrice et auditrice."

Regonflée à bloc pour les cent prochaines comme on peut s’en douter en lisant ces témoignages, je voudrais conclure par cette joie que j’ai à concocter cette rubrique chaque semaine. Je vais m’arrêter un peu pendant l’été pour faire le plein de nouvelles lectures mais je vous remercie tous, vraiment, de ce soutien, de ce compagnonnage. Grand merci également à Joachim, qui a créé la page et m’a aidée à m’en occuper seule ensuite, ainsi qu’à Pascal Jourdana, Fanny Pomarède et Lou Brenez, qui ont parfois prêté leurs voix. Il y aurait encore beaucoup à dire, mais je le ferai à la rentrée. En attendant, belles et bonnes découvertes à tous !


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