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19 mars - Le lien sans le flux

jeudi 19 mars 2020 - Ce qui nous empêche

Tenir un journal du confinement / ne surtout pas le tenir, ou le garder pour soi : ces dernières heures, sur mes réseaux sociaux, qui sont essentiellement littéraires, se sont mises à circuler à grande vitesse des injonctions nouvelles, parfois drôles, pertinentes, parfois moralisatrices sur ce qu’il convient de dire et de faire, d’écrire et de publier. Elles prennent presque la place, ce matin, du virus lui-même. Question posée à moi-même : je sors à peine d’un épuisement psychique. Faut-il y retourner ? Non.

Toujours sur ces réseaux : sursaturation culturelle, offres qui se multiplient en ligne (et tant mieux) de lire, de voir, d’écouter des œuvres. Avant le confinement, je me sentais harcelée par les mails. Maintenant que j’ai perdu mes activités payées ou qu’elles sont peut-être repoussées, ce qui pour l’instant revient au même, j’aimerais au moins endiguer le flux de "ce qu’il y a à faire". Mais je réalise qu’en même temps, je me crée des tâches nouvelles : participer à cette rubrique (écriture, mise en ligne, échanges par mails, partages), récupérer mon retard sur remue.net et mon site avant de me remettre à écrire... Bien sûr, c’est une façon de ne pas céder à l’angoisse, mais est-ce la peine d’imiter le rythme d’avant ?

Tout cela, c’est une micro-vision, celle de quelqu’un dont l’appartement est bourré de livres et de DVD, qui possède une connexion et pour qui la mise à disposition gratuite de concerts, de visites virtuelles de musées, de films, de textes a un sens, matériel bien sûr, mais pas uniquement. Quelqu’un qui a tendance à croire que ceux qui bénéficieront de ces œuvres gratuites, en dehors des artistes-auteurs fauchés mais déjà bien pourvus, culturellement parlant, ne seront pas ceux qui en auraient besoin. Est-ce que le confinement va aider à ouvrir le cercle ?

Pour l’instant, me voici ici, au cœur de la rubrique. J’écoute Thierry nous inventer Ivan Oroc, personnage né dans la chlorophylle, en me demandant s’il finira par me pousser vers la fiction, par adopter son personnage. Je lis les premiers textes de Joachim, qui diront sans doute une partie de ce que je pense de la situation... Ailleurs, j’écoute les lectures d’un temps suspendu de Claude Enuset, lis le #journaljardin de Lucien Suel. Tout cela, c’est une façon de se faufiler. C’est le lien sans le flux, peut-être.