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25 mars - écouter les récits, écrire de la fiction

mercredi 25 mars 2020 - Ce qui nous empêche

Tout est bousculé, chaque point de repère, chaque point de fixation, dans un flou immense, dans le moindre détail. Comment penser ce qui arrive, au millimètre ? Ça ne veut pas. Ça ne se laisse pas faire. Rester chez soi, voilà ce qui est bon, on le répète. Pourtant, le dire et l’examiner, c’est immédiatement remarquer qu’on n’est pas dans le cas de ceux qui risquent leur vie, qu’on oblige à le faire. Soignants, coursiers, éboueurs, prisonniers, caissières, ouvriers : on est de l’autre côté.

Je ne sais trop, ici, qu’écrire, quelle forme donner à "ce qui nous empêche". Un journal intime, j’en tiens un, que jamais personne ne verra. Un journal d’écriture aussi. Ici, j’oscille. Je lis et j’écoute au fur et à mesure ce qu’écrivent Piero, Thierry, Joachim. Je vois bien que depuis le début, dans cette rubrique, c’est de psychiatrie dont je parle. En ces jours, mon expérience du burn out me sert. J’ai vécu le confinement physique, par écrasement de fatigue, ai été corsetée par des angoisses morbides durant plusieurs mois il n’y a pas longtemps : je soupèse les fragilités et les forces. Je lis les conseils de psychiatres pour conserver sa santé mentale : ce sont exactement ceux que j’applique, ici, chaque jour, chez moi, par expérience. Alors, quoi ? Dispenser ma petite science ? Non, il faut continuer à en passer par l’écriture, sinon ce serait jouer à l’apprenti-sorcier, pour moi comme pour les autres. Ce que je peux faire sur les réseaux sociaux, c’est apporter de l’air, un peu de légèreté : des photos de Marilyn, trois par jour, me paraissent le meilleur remède ces temps-ci.

Écrire. On s’y remet. Repris hier un texte de commande, pour L’aiR Nu, après avoir écouté quatre épisodes du feuilleton de Thierry, Sur Ivan Oroc. Tout à coup, alors que je pliais du linge, casque sur les oreilles pour mieux entendre sa voix, me sentir immergée, il m’a semblé comprendre et partager l’immense soulagement d’écrire "à côté" de l’épidémie, dedans mais ailleurs, dans une forme nouvelle.

Est-ce qu’ici, pour parler de l’espace mental, je vais en passer, moi aussi, par un personnage ? Est-ce que Dita Kepler, le seul que j’aie nommé, va venir prendre ma place ? J’en parlais à Thierry par mail : voilà qui aide parfois à fixer les choses. J’en ai marre du je, un peu. On verra.

En attendant, en ce 25 mars (soleil, silence), au moment de poster ce texte d’heureux souvenirs affleurent. Qu’on me permette de les inscrire, entre les lignes.