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La Grande Arche, Laurence Cossé. Extrait.

jeudi 5 décembre 2019, par JS

« …construire en premier cette mégastructure entière et, dans un second temps : “les étages et les façades en commençant par le haut : le squelette d’abord, ensuite les muscles, la peau”, cette vue de l’esprit consterne les gens du bâtiment.
Pour Andreu, c’est une stupidité. Ce n’est pas impossible – cela se fait dans certaines structures suspendues –, mais ici, ça n’a pas de sens. Il s’agit d’un caprice d’esthète.
[…]
Dans la ligne des architectes formalistes, [Spreckelsen et Reitzel] tenaient à ce que l’ossature du Cube apparût, fût-ce quelques jours. Ils l’avaient travaillée comme une sculpture. Elle devait être vue avant d’être masquée.
Aujourd’hui, la mégastructure [de la Grande Arche] est bien là, sous le verre et le marbre, mais personne ne l’a jamais vue, pas plus ceux qui l’ont dessinée, que ceux qui l’ont construite, ni quiconque.
Lorsque nous regardons le Parthénon, et tous les autres temples grecs ou romains, nous n’en voyons que l’ossature. Les revêtements de marbre et les bas-reliefs polychromes ont disparu depuis longtemps, rongés par les années et les éléments, volés par les hommes. Nous ne voyons que les mégastructures et nous les admirons.
Peut-être que, dans deux mille ans, des hommes admireront tout ce qu’il restera de l’Arche, pas les façades de verre lisse ni les pignons plaqués de marbre, pulvérisés depuis longtemps, mais la splendide structure de béton que Spreckelsen et Reitzel auraient voulu bâtir avant de l’habiller et qu’ils n’ont jamais vue, non plus que quiconque. »

La Grande Arche.
Laurence Cossé. Gallimard 2016.

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