Moscou – Mourmansk : voyage

souvent un peu d’âme slave – une chanson de Boris Vian, moscovite ne rime pas avec soviétique mais on y dit « j’ai mis des rideaux de fer à toutes mes fenêtres » (mais je les laisse ouverts, dit-il ensuite) certes – chute du mur – réunion de cellule – on ne sait pas exactement mais le recours fréquent aux téléphones en cabine intime à penser qu’on se trouverait plutôt du côté de la fin du siècle dernier – pas trop d’appareils électroniques non plus (téléphone de poche ou personnel computer) – rien de tout cet attirail contemporain (on parvenait cependant à vivre, mais oui) (adaptation d’un roman paru en 2011, écrit par Rosa Liksom) – une fête

Irina trinque

on y boit au voyage futur

mais Irina ne partira pas

la « chérie » s’en ira seule – Laura (interprétée par Seidi Haarla) : elle est finlandaise, elle fait ses études en Russie, anthropologie – elle veut aller voir des pierres gravées qui se trouvent du côté de Mourmansk (des pétroglyphes) – le voyage était une espèce d’espoir peut-être – mais sans Irina, il perd en charme –

deux mille kilomètres, vers le nord (on entend « Voyage voyage » par Desireless (1986)) – en train

l’accompagnatrice ferroviaire (Julia Aug)

on ne sait pas trop avec qui on voyage, en train – trente six heures minimum – ici c’est un type Ljoha (Yuriy Borisov)

Ljoha (Yuriy Borrissov) qui boit

un peu un poncif (car le slave, tel le polonais, boit comme un trou)

ce n’est pas gagné… – un début cependant

ça ne plaît pas tellement, mais l’air est entendu

conforme – Laura n’apprécie que moyennement – obligée de rester (elle tente de s’en aller changer de compartiment : impossible) – « tu te crois où? « lui demande l’accompagnatrice –

elle reste – elle écrit – elle filme (une caméra vidéo (on devrait le savoir mais non) qui doit dater d’une vingtaine d’années quand même) – elle filme et écrit – son voyage est une espèce de quête (mais sans son amie Irina il perd un peu de sens) – le type Ljoha lui en demande le but, il boit, se saoule, l’interroge « tu vas vendre ta chatte ? » – léger – obscène – il s’écroule non sans demander comment on dit

en finlandais, Laura lui répond

le voyage continue – Ljoha s’est écroulé, il se réveillera plus tard : Saint-Petersbourg (ex-Leningrad – c’est moi qui souligne) – elle tente de joindre Irina au téléphone – rien – depuis une cabine dehors, sur le quai – puis plus tard on l’entend au loin, cette Irina vaguement ennuyée : de l’histoire ancienne ? peut-être déjà oui… – le wagon-restaurant, plus tard encore

on s’arrêtera sans doute en gare de Petrzavodsk – toute une nuit –

Ljoha connaît une amie, il veut aller la voir – il emprunte une voiture – il demande à Laura de venir, elle ne sait pas – puis vient – il l’emmène – Laura rencontre une femme magnifique (la mère adoptive de Ljoha, interprétée par Lidia Kostina)

elles parlent, boivent aussi – fument – parlent – un moment presque magique – c’est le lendemain, il faut partir –

ils s’en retournent, reprennent le train – un finlandais avec une guitare s’installe, accueilli par Laura mais en s’en allant lui vole sa camera – le monde regorge de salauds, ça ne fait aucun doute – mais garder le moral et rire

un voyage pour retrouver des signes anciens, mais elle n’y parvient pas, les obstacles, la glace, l’éloignement, l’absence de son amie aussi sans doute – elle retrouvera Ljoha, lui expliquera qu’elle ne peut se rendre où elle veut – voir ces fameuses pétroglyphes (peut-être celles de Kanozero, découvertes en 1997) – mais il arrivera à l’aider, ils s’en iront

elle les trouvera

ils reviendront

une histoire plutôt simple, où la rencontre disons fraternelle apporte de la joie

du rire

et, quand même et malgré tout, un peu d’espoir.

Compartiment n°6, un film de Juho Kuosmanen

Paris : l’hôpital, la fracture

Voilà un moment (depuis le 2 mars 2020, soit le plus ou moins début de cette wtf pandémie) que cette rubrique est abandonnée à son sort – depuis la pandémie, j’ai l’impression (anéfé) – mais il nous faut vivre, disait la poète, vaille que vivre… On reprend ici avec un film français, et on essayera de tenir cette distance ici de (ne) parler (que) des films qu’on aime

C’est une histoire de ville – elle se passe en ville – en capitale : le début montre un camionneur , Yann (Pio Marmaï) qui rejoint Paris dans le cadre de son travail mais il va participer à une manifestation (début décembre 18 : ce n’est pas dit, on subodore et on se souvient) : une grenade éclate sous ses pieds, il est blessé gravement à la jambe : direction les urgences

Plus loin en parallèle une femme (VBT) pas vraiment bourgeoise (elle porte des basketts : est-ce suffisant pour n’être pas vraiment bourgeoise ? j’en sais rien, tu me diras) rompt avec son amie (Marina Foïs) qui s’en va, l’autre lui court après, en ville, elle tombe, se brise le coude – elle se retrouve à l’hôpital, téléphones omniprésents – l’une appelle son amie, l’autre en relation avec son fils sans y arriver, le troisième Yann avec son ami(e) So… Tout se croise mais surtout, et d’abord, d’abord Kim l’infirmière (Aïssatou Diallo Sagna, impériale avec son mari qui garde leur enfant malade) tout se téléscope – donc un film sur les urgences

un film sur les manifestations qui ont eu lieu avant la pandémie – l’épisode de la Pitié Salpétrière dont on se souvient : cette honte bue par le gouvernement – un film de ville, de sirènes de cris de fumées et de peurs

mais les choses sont prises en main par le personnel soignant (même si certains sont fâchés – il y a de quoi parce que l’hôpital, depuis vingt ans (et la taxation à l’acte, dite T2A mise en place par le gouvernement Chirac, et – très bizarrement – par le premier ministre d’aujourd’hui…) va finir si on n’y prend garde par céder, comme cette sécurité sociale chèrement gagnée et payée (on se souvient des paroles d’un syndicaliste patronal (Denis Kessler, appointé à 6 millions l’an chez Scor, société de réassurances – non, mais ça va bien) disant qu’il fallait annihiler tout ce qui avait été bâti par le programme du Conseil National de la Résistance en 1945) (une histoire de la politique française des vingt dernières années, menée par la droite, et par une certaine gauche mêmement) – c’est un peu de cette histoire-là

qui se joue, qui se jouait tout autant sur les ronds-points avant l’épidémie – un peu de cette histoire-là qui est racontée (en filigrane) dans le film car le vrai message du film, c’est que l’hôpital tient (la scène où le chef de garde interdit l’accès de l’hôpital aux forces dites de l’ordre est emblématique de cette résistance-là) oui, l’hôpital résiste (et le chef de garde porte un accent magnifiquement cosmopolite…) l’hôpital tient bon soigne sauve des vies. Mi-documentaire, mi-fiction, le film met donc en scène quatre personnages principaux et tissent entre eux des liens à la manière des fascias qui unissent nos organes et nos muscles et nos os : d’abord, l’infirmière Kim (je le redis, Aïssatou Diallo Sagna splendide) 

(dans la vraie vie, elle est aide-soignante : le cinéma lui offre une promotion…) calme et sûre ; puis ce couple de femmes, probablement très éprises mais très remontées l’une contre l’autre, que l’accident de l’une (Valeria Bruni Tedeschi, qui envoie grââââve, qui ne peut s’empêcher de dessiner, de la main gauche…) va rapprocher de l’autre (Marina Foïs si sérieuse, si les pieds sur terre…)

qui revoit un peu de son passé (une rencontre fortuite avec un ami de lycée) et envisage sûrement le chemin parcouru

beaucoup de choses bougent, beaucoup de certitudes sont ébranlées – mais restent (et c’est une des qualités majeures du film) la réalité de l’humanité (une vieille femme meurt doucement, on soigne un petit bébé, une femme blessée pleure, un jeune homme affolé ne tombe pas dans le meurtre…)

La fracture est ouverte, certes, mais le film tente de la réduire : la surexcitation de Yann (Pio Marmaï) vient de la rue qui enfante l’horreur – on n’a pas oublié les mains arrachés, les yeux énucléés, les blessures et même les morts (même si l’épidémie est passée par là, avec ses confinements, ses errements, ses mensonges et ses faux-semblants) : on n’oublie pas, mais ce film sert, aussi, à ça. S’il se termine plutôt dans le calme pour les deux femmes 

(elles parviennent à s’échapper de l’hôpital au petit matin), il en est autrement pour le camionneur – aidé par un CRS il s’échappe aussi, pourtant… Je ne sais pas bien mais j’ai pensé que la police, son armée, sa garde, était allié objectif de cette mort qui nous veut, tous et toutes…Retour ligne automatique
Une vraie réussite pour un cinéma (français) qui parle (une fois n’est pas coutume…) du quotidien du pays.

La Fracture (Catherine Corsini,2021) (en entrée de billet le trio d’actrices lors de la présentation du film à Cannes, cet été) (les images (c) CHAZ et Carole Bethuel, dossier de presse)

Mumbay/Bombay : Le photographe

c’est un endroit de la ville (12 millions d’habitants, plus de dix huit millions pour l’agglomération) où toujours passent le tourisme et le reste du monde et des pigeons par milliers

la porte de l’Inde et le Taj Mahal palace hôtel (qui a été le théâtre d’attentats en 2008 – après celui du Marriott d’Islamabad) (*), l’océan et la douceur de vivre. Ce rappel des attentats indiens ne tient pas de place dans le film – doux et charmant. Peut-être un contraste (la lutte des classes et des castes en Inde est féroce : ici, on n’en aura que des échos lointains, assourdis mais présents parfois à l’image et, très probablement, cette lutte est-elle ce qui ne permet pas l’entente des deux premiers rôles).
Le héros est un photographe des rues (on en croise de semblables dans la cour du Louvre ici à Paris)

Chemise blanche, appareil photo en bandoulière, dans le sac une imprimante qu’on ne distingue que mal sur l’image du robot : c’est exactement son rôle.

Le photographe (Rafi) dans l’exercice de sa profession (et ses outils dont l’imprimante)

C’est l’histoire d’un homme, Rafi, endetté qui, par son travail de photographe, envoie dans sa famille restée à la campagne, de quoi payer des dettes dont on ne comprend pas exactement la teneur sinon que la mort du père les a provoquées – quelque chose qu’on ne comprend pas, mais qui se relie directement à des lois et des institutions locales, de castes et de classes.

Nawazuddin Siddiqui dans le rôle titre : Rafi

Le voilà qui rencontre Miloni

Miloni (Sanya Malhotra) trop bien – et Rafi (Nawazuddin Siddiqui) devant le Taj Mahal Palace hôtel

Se noue alors une histoire. Elle, étudiante, lui photographe – elle ne le connaît pas –

Rafi et Miloni dans le bus : première rencontre

Il a une grand-mère qui veut qu’il se marie – lui ne connaît personne, demande à Miloni – elle accepte et se prête au stratagème. C’est une espèce de jeu

auquel ils se prêtent tous les deux

. Puis la grand-mère vient à la rencontre de son petit fils (et de la promise…).

Miloni et la grand-mère ( Farrukh Jaffar)

Ce sont les personnalités des deux protagonistes qui emportent le film : lui peut-être timide, elle certainement – ils parviennent à se comprendre – le film est en montage parallèle – une ville qui tient lieu de personnage et de décor

Rafi et Miloni dans une rue attendent un taxi

des images fixes, mais du cinéma – ils vont au cinéma ensemble, ils partagent quelque chose sans y parvenir vraiment

ce n’est pas qu’ils ne se comprennent pas mais quelque chose leur échappe

le tout est réalisé avec tendresse, pourtant – on veut la marier, elle aussi, comment faire pour y échapper ? On ne sait pas – quelque chose de chaste et de doux – mais qui ne veut pas fonctionner – qui ne peut pas… Pour Miloni, les parents tiennent pour un mariage arrangé – on connaît les autres parents, on sait comment se marier entre gens de bonne famille

Je me souviens de ce film , Sir (Rohena Gera, 2018) indien tout autant – cette facilité à l’élégance, à la distinction, je ne sais pas ce qu’il y a avec l’Inde (ces temps-ci, mais pas seulement pour ce pays, il y a de quoi être vigilant et se prémunir, se grouper,exister ? que sais-je ? non, je ne sais pas) – mais ce cinéma-là, un peu de comédie, un peu de drame, quelque chose de l’humanité tout entière… il reste qu’il faut vivre

PHOTOGRAPH featuring Sanya Malhotra courtesy of Amazon Studios.

Il y a quelque joie, quelque tendresse, quelques émotions simples – et le reste du monde qui s’y oppose… Tant pis, le film reste tellement doux.

Le Photographe, un film de Ritesh Batra.

(*) Le déroulement de l’actualité influence, par osmose, le cours de ce billet – notamment par les violences qui ont lieu ces jours-ci en Inde (on a visionné le film il y a quelques semaines). Il n’est pas spécialement avérés que ces violences nationalistes (couvertes par le pouvoir et singulièrement par le premier ministre dudit pouvoir, Narendra Modi – voir sous le lien, plus haut) aient pour fondements les attentats dont on parle, mais ils y contribuent sans qu’on puisse émettre de doute sur ces contributions. On ne tient pas non plus à créer une ambiance anxiogène ici, mais s’aveugler ne permet pas non plus de comprendre. Ainsi, le système des castes illustré ici est-il aussi issu d’une pratique religieuse, l’hindouisme, laquelle induit contraintes et obligations. Les attentats d’origine musulmane reflètent aussi une revendication religieuse, contre laquelle il semble que le film tente une mise en question. Pour mémoire aussi, l‘attentat à l’hôtel Marriott d’Islamabad (Pakistan) a eu lieu le 20 septembre 2008, les attentas de Mumbay (six lieux de la ville touchés) qui en sont une réplique suivant l’un des tueurs, se sont déroulés du 26 au 29 Novembre 2008 (en Inde, donc).