Belfast

(il y a quelque chose comme de l’imposture à écrire sur le cinéma, à propos du cinéma – il y avait Michel Ciment qui proposait quelque chose sur Jane Campion je crois bien dans la librairie de l’avenue Jean-Jaurès – en haut, pas Texture) (pendant trois ou quatre ans je n’ai pas cessé d’écrire sur le ou à propos du cinéma – c’était dans les locaux de l’institut d’art et archéologie) (il (me) fallait aussi travailler)

Il s’agit d’abord ici d’un certain cinéma (pour preuve, on dispose – si on cherche un peu – de près de deux cents photos, augmentées de 3 ou 4 films annonce) (le »on » indique le tout-venant)

Il y avait aussi quelque chose de l’imposture aussi à travailler sur les publics – ce sont choses (au sens du « il faut prendre les faits sociaux comme des choses ») éphémères

Il en va aussi de l’imposture de la sociologie sans doute certainement obligatoire

non, je n’ai pas connu la guerre – il y avait sur la route de l’Aouina des sacs de sables entassés qui forçaient à ralentir – le chemin de la maison à la ville – Carthage à Tunis – les soldats portaient des armes – nous étions dans la quatre chevaux – il y a plus de soixante ans d’ici – et deux milliers peut-être de kilomètres

ce ne sont pas critiques mais simplement informations, souvenirs, remembrances

l’histoire d’un enfant de huit ou dix ans (Buddy, interprété par Jude Hill), un père parfois absent (il va travailler en Angleterre), une mère adorable – ça se passe donc en Irlande, du nord, Belfast – des grands-parents comme il doit en exister- le souvenir de la tabatière de mon grand-père et de son livre de prières (ou de contes, je n’ai jamais su)

la mère (Caitriona Balfe), le père (Jamie Dornan), la grand-mère (Judi Dench) , Buddy le petit héros et son frère (Lewis McAskie)

c’est un film un peu maniéré – on était tellement content en sortant, enfin surtout moi – quelque chose de la vie rêvée – ça commence par une espèce de dépliant touristique vantant la ville de Belfast j’ai supposé – ça fait braire – en couleurs contrastées, une belle lumière, une prise de vue dronatique – et bien sûr que (aussi bien) les drones servent à tuer, à la guerre, à la mort – c’est dédié quand même « à ceux qui sont partis »

« et à tous ceux qui ont été perdus »

il y a quelque chose de l’autobiographie ou alors d’un filmage spectaculaire – tout le reste (ou presque) du film est en noir et blanc – raccord sur le temps

c’est ainsi – ici, une rue, une famille

son acteur et le réalisateur (Kenneth Branagh)

il y a quelque chose aussi de la perfection, comme dans les souvenirs (de ma jeunesse) – tout est beau dans les gens de la famille, le père et la mère sortent d’un dépliant publicitaire – aussi – ils dansent et s’aiment – ils se parlent et se disputent – ils optent et décident ensemble – ils s’aiment et vivent, veulent vivre, survivre à la guerre civile qui dévaste le pays –

les relations de voisinage, les enfants les gens, les parents qui se connaissent qui se jaugent qui se battent – la guerre, civile peut-être, mais la guerre et les morts – mais non – les enfants rient, jouent dansent aussi – je me souviens bien de n’avoir rien vu – il y a quelque chose qui subsiste quand même quand la lumière se rallume, on a remis son manteau, on l’a refermé, au cou l’écharpe de Chypre ou d’Istanbul – émerveillés parce que c’est ce qu’on voulait nous dire et faire comprendre : mais il ne reste rien – le cinéma s’évapore les plans sont montés collés les uns aux autres la musique (ici Van Morrison : formidable, juste et gaie dansante belle) le mixage – quelques manières jte dis c’est vrai, des plans au ras du sol, des effets, du style – mais un amour, vrai je suppose, et de la ville et des acteurs

la grand mère, Buddy pieds sur la table, le grand-père (Ciarán Hinds) (photo de tournage)

il y a cette imposture des images fixes pour relater quelque chose qui n’existe plus (c’était la fin des années soixante, les catholiques et les protestants se tuaient les uns les autres – on posait des bombes – on sacrifiait des innocents ou des coupables) (souviens-toi de Bloody Sunday (Paul Greengrass, 2002)) – (un de ces types qui disait dans le poste « je lui ai réglé son compte » – une émission sur la guerre d’Algérie, on en a mémoire) – ce sont juste des hommes, des êtres humain, des hommes que la guerre défait – nous autres alors, les enfants, ne comprenions rien (il n’y a rien à comprendre, c’est vrai) – ainsi que Buddy qui n’aime qu’elle (Olive Tennant dans le rôle de Catherine,jeune fille blonde mais/et catholique)

il ya quand même quelque chose de formidable (quoi qu’il puisse en être des conditions de production, des acteurs magnifiquement beaux, des cadrages excessifs et des couleurs passées de noir et blanc – ces choses afféteries effets clins d’œil connivents – il y a ces répliques formidables) dans cette scène

Buddy et son père- le premier « oui, mais elle est catholique… » et son père : « quelle que soit sa religion, protestante, catholique, hindou ou vegan sataniste, l’important c’est ce qu’elle est, elle » – je cite de mémoire – on s’en fout des catégories – même si elles sont intégrées à nos façons d’être – on s’en fout –

parce qu’on est vivants et humains et qu’on le reste

jusqu’à

la guerre, quelque chose de l’imposture, la guerre civile (Espagne 36, Chili 73, Algérie 91, Yougoslavie ça n’existe plus, Ukraine 22…) la honte des nations (j’en oublie tant)

Belfast, un film de Kenneth Branagh

Koutaïssi

Une ville de Géorgie (ça se trouve à cheval entre l’Asie et l’Europe, sur le bord est de la mer Noire) traversée par un fleuve, magique, ex-capitale de cette république (convoitée par le tsar immonde) – le film n’en est pas là : aujourd’hui comme tous ces derniers jours, il y a quelque chose comme de la sidération dans l’air du chroniqueur. Vivre, enfin continuer à vivre (ce billet, en direction de l’Ukraine). C’est un film formidable. Adorable, gai heureux donnant joie de vivre et entrain, avec des enfants qui jouent au foot, des adultes qui travaillent (des professions peut-être improbables, mais des professions) il faut bien manger – on regarde le ciel, c’est une histoire d’amour et une histoire de cinéma – une histoire d’amour du cinéma aussi bien, parallèle, film dans le film, mais la ville, cette ville et ses ponts, le blanc comme le rouge, une ville avec ses croisements habités par des esprits, ses fenêtres et ses maisons, les amitiés les rencontres – une ville
Le réalisateur a étudié à Berlin, dans une école de télévision mais on s’en fout un peu
Il fait jouer sa mère et son père – on pense à Scorcese et à sa mère – une vision du monde, de la beauté des choses et des relations entre humains, une vraie merveille dans ces temps troubles et haineux
Les images qu’on montre ici réunissent les protagonistes : une jeune femme qui étudie la pharmacie

un jeune homme qui joue au football

peut-être professionnellement – ils ne se rencontrent pas à l’image (ici la première du film)

on y voit des chiens

ce sont des êtres qu’aiment le réalisateur –

et aussi les enfants –

partout

(ici c’est la fin du film – ils montent l’escalier, vont s’installer là-haut contempler quelque chose – ils jouent –

) ils jouent partout

séquence magnifique où une onzaine d’entre eux

regardent le ciel (la onzaine (comme au football) a quelque chose à voir avec la suivante qui mangera des glaces, laquelle réfère Bondo Dolaberidze autre réalisateur géorgien)

beaux comme des astres – une merveille

j’aurais voulu saisir le cafetier- il paraît que c’est une star au pays – ça ne m’étonne guère –

le voilà en chemise jaune qui chronomètre, sur le pont blanc, Giorgi pendu – il est loin – on voit le ciel

une musique magnifique et manifeste accompagne,précède devance et suit les plans – elle est signée du frère du réalisateur, Giorgi…

au loin les montagnes magiques – le cinéma qui se fait devant nous (un peu comme celui de Aki Kaurismäki : on le croit parce qu’on le voit) – les décors les acteurs – les techniciens et l’artisanat d’un art qu’on aime tant –

ici je crois qu’il s’agit de la mère et du père du réalisateur

une pure et vraie merveille

un arbre en fleurs et des jeux pour les enfants

deux heures et demie qui passent comme un rêve – le soleil, la lumière – elle

et lui

qui ne se voient que mal ou peu ou qui s’évitent, un sort, des mots, des êtres

le vent – l’eau – la vie simple – un croisement, la nuit

formidable

Sous le ciel de Koutaïssi, un film (magique, probablement) d’Aleksandre Koberidze (là, en georgien, sous titré en anglais)