Helsinki

Ça n’a rien à voir (ou alors que peu) mais il y avait cette chanson qui faisait « c’était ta préférée je crois qu’elle est de Prévert et Cosma » et Antonio Zambujo la fredonnait agréablement en instillant un Cozma souriant dans sa diction. Elle est un peu chantée en fin (elle fait comme ça : mais la vie sépare/ceux qui s’aiment/tout doucement/sans faire de bruit/) : le film dure quatre-vingts minutes, les deux héros plus le chien vont vers le fond de la perspective d’Helsinki et les feuilles mortes volent un peu (pardon pour le point sur l’image).

C’est un film épuré, formidablement simple, les dialogues sont réduits (c’est à l’intérieur qu’on rit). Lui (Holappa, interprété par Jussi Vatanen) a un ami (Huotari, Janne Hyytiänen – habitué des films de Aki Kaurismäki) avec qui il travaille au début (et va boire) – en vrai Holappa boit

beaucoup

trop

beaucoup trop

Des couleurs, partout. Il y a cette femme Ansa (jouée par Alma Pöysti)

et il y a cet homme, Holappa; tous les deux travaillent, ils n’ont que leur corps à vendre ou louer : des prolos – elle est employée de supermarché

au réassort des rayons mais elle prend un quelconque paquet de nourriture à la date limite de vente périmée et se fait mettre à la porte – elle trouve un autre travail

lui fait un travail qui fait penser au début de Le jour se lève (il nettoie avec un jet à pression de sable des jantes rouillées) mais il boit (Gabin ne boit pas, mais tue…) (Marcel Carné, 1939)

Puisqu’il boit, il subit le même sort – de plus, il se blesse – il est mis à la porte. Mais ils se rencontrent, se plaisent sans doute, le sort s’acharnera contre leur rencontre – et puis… Des chansons comme s’il en pleuvait

C’est là, dans ce bar de karaoké (l’ami chante

) c’est là qu’elle le rencontre (Ansa) est à gauche, son amie au centre (Lisa interprétée par Nuppu Koivu), l’ami du héros Huotari, en chemise jaune

Après une séance de cinéma

un film d’horreur (Les morts ne meurent pas de Jim Jarmusch (2019)) – l’art et l’essai – et des affiches de cinéma – elle lui donne son numéro de téléphone

plus un bisou

il le prend

mais le perdra

Tout semble se liguer contre leur rencontre.

Ils se retrouvent cependant – elle l’invite à dîner

chez elle

mais il boit : elle s’en sépare . Le met à la porte. Il s’en va se soûler.
Elle adopte un chien

et puis et puis… – la pluie

et la nuit de Finlande

Un mélodrame dans toute sa splendeur : une merveille.

Et la mer efface sur le sable les pas des amants désunis…

Les feuilles mortes, un film d’Aki Kaurismäki.

Koutaïssi

Une ville de Géorgie (ça se trouve à cheval entre l’Asie et l’Europe, sur le bord est de la mer Noire) traversée par un fleuve, magique, ex-capitale de cette république (convoitée par le tsar immonde) – le film n’en est pas là : aujourd’hui comme tous ces derniers jours, il y a quelque chose comme de la sidération dans l’air du chroniqueur. Vivre, enfin continuer à vivre (ce billet, en direction de l’Ukraine). C’est un film formidable. Adorable, gai heureux donnant joie de vivre et entrain, avec des enfants qui jouent au foot, des adultes qui travaillent (des professions peut-être improbables, mais des professions) il faut bien manger – on regarde le ciel, c’est une histoire d’amour et une histoire de cinéma – une histoire d’amour du cinéma aussi bien, parallèle, film dans le film, mais la ville, cette ville et ses ponts, le blanc comme le rouge, une ville avec ses croisements habités par des esprits, ses fenêtres et ses maisons, les amitiés les rencontres – une ville
Le réalisateur a étudié à Berlin, dans une école de télévision mais on s’en fout un peu
Il fait jouer sa mère et son père – on pense à Scorcese et à sa mère – une vision du monde, de la beauté des choses et des relations entre humains, une vraie merveille dans ces temps troubles et haineux
Les images qu’on montre ici réunissent les protagonistes : une jeune femme qui étudie la pharmacie

un jeune homme qui joue au football

peut-être professionnellement – ils ne se rencontrent pas à l’image (ici la première du film)

on y voit des chiens

ce sont des êtres qu’aiment le réalisateur –

et aussi les enfants –

partout

(ici c’est la fin du film – ils montent l’escalier, vont s’installer là-haut contempler quelque chose – ils jouent –

) ils jouent partout

séquence magnifique où une onzaine d’entre eux

regardent le ciel (la onzaine (comme au football) a quelque chose à voir avec la suivante qui mangera des glaces, laquelle réfère Bondo Dolaberidze autre réalisateur géorgien)

beaux comme des astres – une merveille

j’aurais voulu saisir le cafetier- il paraît que c’est une star au pays – ça ne m’étonne guère –

le voilà en chemise jaune qui chronomètre, sur le pont blanc, Giorgi pendu – il est loin – on voit le ciel

une musique magnifique et manifeste accompagne,précède devance et suit les plans – elle est signée du frère du réalisateur, Giorgi…

au loin les montagnes magiques – le cinéma qui se fait devant nous (un peu comme celui de Aki Kaurismäki : on le croit parce qu’on le voit) – les décors les acteurs – les techniciens et l’artisanat d’un art qu’on aime tant –

ici je crois qu’il s’agit de la mère et du père du réalisateur

une pure et vraie merveille

un arbre en fleurs et des jeux pour les enfants

deux heures et demie qui passent comme un rêve – le soleil, la lumière – elle

et lui

qui ne se voient que mal ou peu ou qui s’évitent, un sort, des mots, des êtres

le vent – l’eau – la vie simple – un croisement, la nuit

formidable

Sous le ciel de Koutaïssi, un film (magique, probablement) d’Aleksandre Koberidze (là, en georgien, sous titré en anglais)