Lille : au neuf de la rue

Il s’agit juste d’un fait divers.

Il faut commencer par faire une soustraction : l’affaire se déroule pour une deuxième fois (l’affaire, je veux dire l’émission de radio) il y a une semaine – il s’agit d’une rediffusion d’une émission d’octobre 2016 – ça ne change rien je sais bien mais on s’y perdrait facilement : c’est une histoire de pertes. Ça se passe ici

image mai 2008 – droite cadre le volet vert

La maison de briques est déformée – elle est assez symétrique, la fenêtre du premier étage « bow window » est déformée, on le voit aussi aux raccords défectueux des gouttières. La maison de briques joue un premier rôle.

La maison d’à côté est occupée (au minimum) par deux avocates (ce n’est pas sûr qu’il s’agisse de leur cabinet, je ne suis pas allé chercher trop loin non plus). Volets fermés, de bois foncé.

image de mai 2011

mais ici rideaux jaune d’or.

Il faut évidemment faire confiance au robot pour les dates de prises de vue. Mais mettons. On apprend par la voisine que des pigeons par centaines ont envahi les lieux de la maison voisine. Durant plusieurs mois, elle tente d’alerter mairie et autres services municipaux : elle raconte que finalement, en octobre 2012 un inspecteur de salubrité de la mairie finit par venir.

image mai 2012

(on remarque que la dame voisine a fleuri ses bacs). La maison qui nous occupe est au numéro 9. L’inspecteur vient voir, passe par l’arrière , entre dans la maison, monte à l’étage et découvre…

image juin 2014

un squelette… On remarque sur l’image de juin 14 que les fenêtres sont toutes closes (contrairement à toutes les précédentes), la porte changée, le volet du bas forclos. Les services de salubrité sont passés par là. Le squelette est celui d’un homme mort voilà plus de quinze ans…

image de juillet 14

On a changé le rideau de la fenêtre du bas. On ne sait pas : l’homme devait être un espagnol; on a retrouvé sa trace grâce à son acide désoxyribonucléique : il est mort de sa belle mort comme on dit. Tant mieux pour lui, que dieu le garde (comme disait ma grand-mère). L’Espagne, il l’ a fuie des dizaines d’années auparavant; il se peut que ce soit à cause du cette ordure de franquisme, il se peut que l’homme ait voulu se cacher.

image août 2017

Mamerto Rodrigués était son nom, on l’appelait Alberto, il était irascible, secret, ne voulait pas qu’on sache qu’il était là ( le robot a capté une ouverture de fenêtre…).

image septembre 2018

Il ne voulait pas non plus qu’on se gare devant chez lui. Il est mort là, seul. L’image plus de vingt ans plus tard, de la maison où il décéda – apparemment toujours vide…

image octobre 2018

On a changé la porte d’entrée, on a ouvert au deuxième étage. Quand à Alberto, ses restes ont été incinérés – on ne sait où ses cendres ont été épandues – une histoire ordinaire, probablement sans secret, qu’on oubliera peut-être… C’est à Lille que ça se passe

(de l’Espagne à Lille, qui peut savoir s’il est passé par des camps de réfugiés, par où , qui l’a connu ? Mystère, il a disparu…)

Alger : « Papicha »

à gauche, Shirine Boutella dans le rôle de Wassila; à droite Amira Hilda Douaouda dans celui de Samira – toutes deux adorables

Papicha, c’est un surnom qu’on donne aux jolies jeunes filles en Algérie – belle gosse, ou joli ptit lot quelque chose dans le genre (c’est le cas de le dire : le genre, voilà). Elles sont quatre ou plus, elles suivent leurs études en internat – quelques unes font le mur. C’est assez ordinaire, sinon que ça se déroule en Algérie durant les années de plomb (daté en 1997 – de nombreuses scènes mettent en scène ces ignobles personnages (femmes ou hommes, voilà qui vous a un air nouveau cependant) qui veulent par la force des armes faire triompher leur idéologie imbécile).

à gauche Wassila, à droite Nedjma (Lyna Koudhri)

Mais non, ces jeunes femmes veulent vivre libres, insouciantes, désirantes et désirables, insoumises. Les garçons (peu nombreux, mais seconds rôles assez machistes)

draguent assez gentiment – mais l’idée qu’une femme puisse être libre les insupporte. Dommage sans doute. Elles sortent, en taxi se refont leurs maquillages.

Vivantes.

Cependant, les meurtres terribles (la soeur de l’héroïne, Linda (Meriem Medjkrane), meurt en pleine rue – scène magnifique) et les exactions, les chantages, les pressions sont partout. Les hommes dominent, les femmes se voilent et se taisent. Mais parfois tuent, elles aussi.

Les jeunes files jouent pieds nus au football, entre elles, on se bat – en réalité, la bataille est peut-être perdue mais on la livrera quand même.

Il y a l’héroïne Nedjma (Lyna Khoudri) qui veut devenir styliste – tout tourne d’ailleurs, en réalité aussi, autour des vêtements – il y a ses amies qui défileront habillées de ses robes, il y a la directrice de l’école (Nadia Kaci). Dans Alger, la ville qu’on voit parfois.

Il y a beaucoup plus : il y a que le film, sorti à Cannes et assez remarqué pour être projeté ensuite à Paris et ailleurs, ne sortira pas en Algérie. Pourquoi ? Mystère (pas épais le mystère, vraiment pas : mais tous les vendredis on réclame à corps et à cris la liberté – de vivre, tout simplement). Et ce qui est plus surprenant peut-être (le film est une coproduction entre la France, l’Algérie, la Belgique et le Qatar), le film représentera l’Algérie aux Oscars dit-on (février 2020).

Nous verrons. Ce qu’on en retient, cependant, c’est cette grande douceur qui peut exister dans les relations entre humains (parfois) quel que soit leur genre…

ici Nedjma avec sa mère qui fait cuire des beignets

Papicha, un film de Mounia Meddour.

Paris : « Deux moi »

Ça commence, mais ça ne commence en réalité pour personne : il s’agit de poser une musique sur la platine et d’écrire ce qu’on pense d’un film. C’est un peu compliqué parce qu’on doit naviguer entre une vague suggestion (il y a toujours, il me semble, cette vague odeur d’influence qui dégobille quand on parle des médias), un désir de faire partager ce qu’on aime, et un élan critique qui se permettra de pointer, ici, là, ailleurs et encore ailleurs, les défaillances de certaines scènes, acteurs, scénarios – le cinéma est trop complexe pour laisser la place aux amateurs, c’est vrai, mais malgré tout, c’est un passe-temps destiné à tout le monde et n’importe qui – ça devrait être remboursé par la sécurité sociale, mais non (souvenez-vous de cette chanson magnifique).

Mais d’abord la photo d’entrée de billet : il s’agit d’une actrice qui a débuté sa carrière vers soixante treize ans avec ce réalisateur, comme silhouette – elle incarne ici une utilisatrice d’internet (je suppose) qui a reçu des milliers de pastilles d’ecstasy à la place de ce qu’elle avait commandé pour ses cent ans (c’est assez plausible, dans le film) : elle parle au téléphone au type à droite de l’image (3° image ici) (barbalakon, c’est normal – pardon) – il exerce ce métier et répond au téléphone pour le wtf livreur. Cette image de Renée est mise en exergue parce qu’elle nous a quitté, Renée Le Calm donc, en juin dernier (elle avait cent piges), alors comme elle est marrante – et qu’on l’a aimée assez dans « Chacun cherche son chat » (un des films commis (en 1996) et réalisé par le type à gauche de l’image numéro 3, Cédric Klapisch) : un hommage.

Et puis ça commence vraiment : ça se passe à Paris.

On ne le voit pas exactement d’ici, mais les deux protagonistes du film (ces deux fameux « moi ») habitent l’un à côté de l’autre au centre géométrique de cette image (à peu près : un zoom avant indiquera (mais c’est pour plus tard).

Allons.

Entre eux deux, c’est Ana Girardot (Mélanie) ; le type de droite c’est François Civil (Rémy). C’est une histoire ordinaire disons. Deux personnes, jeunes gens la trentaine, assez solitaires mais pas tant que ça, tentent de survivre dans ce monde idiot. Puisqu’ils sont un peu dans une mauvaise passe (un peu seulement il faut dire : ils dorment mal, simplement), ils vont consulter.

Normalement « consulter » est un verbe qui, si on ne le fait pas suivre de celui ou celle qu’on va consulter (garagiste, voyante), ou quelque chose comme son compte en banque ou son courrier présume qu’on va chez un psy. C’est le cas pour les deux : ils dorment mal, ils vont consulter.

Lui un homme (François Berléand, compréhensif et doux)

Elle une femme (Camille Cottin, compréhensive et douce)

Les dispositifs sont un peu différents : elle est allongée (en analyse), lui est assis (face à face en psychothérapie) (on shunte sur le fait que, ni lui ni elle n’acquitte son dû au professionnel – mais il s’agit d’une de ces ellipses dont le cinéma aime à se parer : dépêchons).

Ces séances émaillent le film, mais comme pour quiconque, elles n’empêchent pas de vivre

même si c’est un peu difficile

et il faut aussi quand même manger

c’et sans doute le plus intéressant ou rigolo, ou encore bien trouvé du film (c’est, en réalité en ça que le scénario est formidable) : souvent ils se croisent

souvent ou seulement de temps à autres, mais ne se rencontrent pas

dès le début à la pharmacie

dans leurs maux mêmes, ils se ressemblent (et puisqu’il s’agit d’une romance – je ne l’ai pas encore dit, mais oui, c’est une romance – une histoire d’amour disons – c’est de cette tension dont il s’agit : la rencontre entre les deux protagonistes, menée avec simplicité et finesse). Il y a ce lieu, cette épicerie

quelque chose de l’orient

et l’épicier (Simon Abkarian, dans le rôle : magistral) – une espèce de témoin –

lui qui les connait tous les deux – comme un lien, un passage, un sas – les deuxièmes rôles, ces anges gardiens du cinéma –

(au fond de l’image ici, le pharmacien – Zinedine Soualem – c’est le quartier, le monde où ils sont vivent) (et c’est surtout aussi et vraiment Paris, la ville cette ville cosmopolite ouverte et hospitalière) (Paris, c’est ça) – cette image de l’épicerie prise par le robot

c’est ça, c’est Paris

(pour mémoire : on trouve en bas de ma rue cette enseigne aussi)

Deux moi, un film de Cédrick Klapisch.